L’art thérapie “le tango” pour les malades de Parkinson
Depuis quelques années, la prise en charge des malades de Parkinson est enrichie par les ateliers de danse-thérapie. Quels en sont les bénéfices ? Reportage dans le cours de tango de Charlotte Millour, destiné au personnes en situation de handicap physique.
A l’espace André Malraux, situé dans le 6e arrondissement à Paris, le vendredi, c’est tango argentin. Une petite dizaine de participants, seuls ou en couple, arrivent progressivement : dans une salle située au rez de chaussée les chaises sont disposées le long des murs. Les premières mesures de musique résonnent déjà, et l’ambiance a tout d’une milonga classique. Et pourtant, c’est un cours un peu particulier : il est destiné aux personnes avec un handicap physique, dont beaucoup sont atteintes de la maladie de Parkinson.
Charlotte Millour est professeure et danseuse de tango. Elle a initié cet atelier il y a six ans. Pour elle, les personnes en situation de handicap ne sont en rien différentes de ses élèves habituels : « Nous sommes tous faussement égaux, explique-telle avec enthousiasme. J’adapte tous mes cours en fonction de la personne que j’ai en face. Nous avons des personnes qui souffrent de Parkinson, de sclérose en plaque ou du syndrome d’Usher. J’adapte le cours juste pour qu’elles puissent apprendre à danser et avoir un maximum de plaisir, danser comme tout le monde » tranche-t-elle.
Au programme : exercices de réchauffement, mise en rythme par la marche, d’abord sur place, ensuite en ronda, et dès que tout le monde est bien échauffé, on danse en couple.
Depuis deux ans Charlotte partage le podium avec Maximiliano Colucci, professeur de tango lui aussi, arrivé tout droit d’Argentine. « On travaille la conscience corporelle d’abord, et ensuite cette relation avec la personne avec laquelle on danse. L’idée est d’arriver à bouger ensemble et en musique. » Charlotte et Maximiliano surveillent de près les participants : les déplacements sont encadrés, les mouvements minutieusement travaillés. Une attention particulière est portée au risque de chute.
« J’entends beaucoup – “je ne peux pas parce que mon corps ne veut pas”, raconte la jeune femme. Mais quand je leur demande d’oublier leur corps pour se concentrer sur le plaisir de danser, il y a des choses qui se libèrent chez eux. Je leur demande de faire leur maximum pour pouvoir ressentir leur corps de nouveau avec la puissance qu’ils ont encore, et qu’ils ont mise de côté parce que la maladie peut provoquer un abattement psychologique fort. Mettre son corps en mouvement fait du bien, on ressent ses muscles, ses appuis, et on reprend sa place physique dans l’espace et avec l’autre, » ajoute la danseuse.
Des bénéfices psycho-corporels multiples
Nés aux Etats-Unis et au Canada, arrivés en France il y a une quinzaine d’années, les ateliers de danse à destination des malades de Parkinson et d’autres maladies neurodégénératives sont encore peu répandus en France. A l’hôpital de la Pitié – Salpêtrière à Paris, le neurologue Emmanuel Flamand-Roze a encouragé la création d’ateliers hebdomadaires de danse-rythme -thérapie au sein du département des maladies du système nerveux.
Il souligne les multiples bénéfices de la danse dans la prise en charge des patients parkinsoniens : « En premier lieu, la démédicalisation de la prise en charge, puisque, à partir du moment que le cours de danse commence, les patients deviennent les danseurs que l’on aide à réaliser des mouvements les plus gracieux possible. Ensuite, il y a des similitudes entre le danseur et le parkinsonien : les deux se posent la même question : comment je vais faire pour bouger de la meilleure façon possible, l’un pour être gracieux, l’autre pour être efficace dans son quotidien. Et ensuite, qu’est-ce qu’on fait quand on danse ? On améliore sa souplesse et son équilibre, on fait travailler sa mémoire et sa planification, parce qu’il faut mémoriser les pas, puis c’est quelque chose de joyeux qui se fait en musique. Un cerveau entouré de musique libère les neurotransmetteurs de bien-être, et lorsque les gens dansent régulièrement, on voit un impact sur cette dimension psychologique. » Sans oublier qu’un atelier de danse est une occasion pour les malades de sortir de chez eux et de vivre un moment d’échange et d’interaction avec d’autres personnes, « parce que la maladie a tendance à entraîner les gens dans une sorte de retrait social, » souligne le professeur.
« Le rythme est la dimension clé, qui permet aux patients de retrouver une régularité métronomique, aussi bien dans la marche que dans les mouvements et dans les déplacements, rajoute Arlette Welaratne, attachée de recherches clinique dans le département de neurologie, qui encadre les ateliers de danse-rythme-thérapie à la Pitié-Salpêtrière. Du coup, Les patients reprennent confiance, osent plus facilement sortir de chez eux et affronter les contraintes du quotidien, » observe-t-elle.
Et les participants confirment. Dominique est une fidèle au cours de tango de Charlotte Millour. Elle a 59 ans, et la maladie de Parkinson s’est déclarée il y a dix ans. « C’est une maladie très invalidante. Un simple geste, pour nous c’est difficile à faire. J’ai eu de la chance, je n’ai pas encore eu de chutes, et ici, je prends confiance pour marcher. Et puis, pour me redresser, parce qu’on a tendance à vouloir se faire tout petit. Ici, on n’a pas le regard des autres, et ça fait du bien, » sourit-elle.
La régularité porte ses fruits, comme pour Ruben, malade depuis 10 ans, qui danse avec son épouse Nidia. Le couple est originaire d’Argentine, et Nidia raconte que, jeune fille, elle voyait le tango comme une danse pour les vieux. « Maintenant je suis vieille et j’apprends à danser pour Ruben, plaisante-elle. Mais ça me fait plaisir, parce que le tango lui fait du bien, notamment pour son équilibre, pour retrouver le sens du rythme et améliorer sa posture. Il ne manque aucun cours, » rajoute-elle.
Une bouffée de bien-être, et une leçon de bienveillance, envers les autres certes, mais surtout envers soi-même, comme l’explique Maximiliano Colucci : « Le tango oblige à rentrer en relation avec son propre corps. Parfois les malades sont plus patients avec la personne en face, qu’avec eux-mêmes, et c’est un apprentissage énorme. »
Source: www.francemusique.fr par Suzana Kubik
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