LA MALADIE,  LA RECHERCHE

Une mystérieuse bactérie mange le traitement contre la maladie de Parkinson.

Notre microbiote intestinal abrite 2 à 10 fois plus de bactéries que le nombre de cellules qui constituent notre corps.

Des chercheurs américains ont une mauvaise et une bonne nouvelle concernant la maladie de Parkinson : le médicament Levodopa (L-dopa) est majoritairement dégradé par deux bactéries spécifiques du microbiote, le rendant moins efficace… Mais ils ont trouvé le moyen de désactiver cette métabolisation indésirable. Ces travaux sont publiés dans la revue Science.

Les bactéries intestinales digèrent les aliments… Et certains médicaments

Lorsque nous avalons une bouchée de pain, elle passe nécessairement par les milliards de bactéries qui vivent dans nos intestins et aident le corps à le décomposer pour absorber les nutriments. Car certaines substances, comme des fibres essentielles, ne peuvent pas être digérées par le corps humain seul. “Mais ce type de métabolisme microbien peut également être préjudiciable“, révèle Maini Rekdal, premier auteur de l’étude, dans un communiqué. Car si aider à la digestion du pain est une bonne chose pour nous, il y a des substances que nous avalons et dont nous ne souhaitons pas qu’elles se dégradent prématurément… Comme les médicaments. “Le médicament pourrait ne pas atteindre sa cible dans le corps, devenir soudainement toxique, ou perdre en efficacité“, explique Maini Rekdal.

Parkinson : la Levodopa est “digérée” par le microbiote

Un bon exemple des problèmes posés par ce métabolisme microbien est le principal médicament utilisé pour traiter la maladie de Parkinson : la Lévodopa (L-dopa). Pour être efficace, la L-dopa doit pénétrer dans le cerveau et y être convertie en dopamine, neurotransmetteur dont manquent les malades et sans lequel le corps peut souffrir de tremblements, de rigidité musculaire et de problèmes d’équilibre et de coordination.

Cependant, le tractus gastro-intestinal est également un site majeur de transformation de la L-dopa en dopamine… Qui ne peut alors plus franchir la barrière hémato-encéphalique (qui protège le cerveau) et provoque des effets secondaires indésirables, notamment des troubles gastro-intestinaux graves et des arythmies cardiaques. Même administrée avec le carbidopa, médicament bloquant la réaction de transformation, jusqu’à 56% de la L-dopa ne parvient pas au cerveau, affectant beaucoup l’efficacité du médicament. Un chiffre qui pose d’autant plus problème qu’il varie beaucoup d’un patient à l’autre.

Ce problème est connu depuis des décennies, d’où l’introduction du carbidopa. Mais jusque-là les bactéries précises, le gène et les enzymes responsables étaient inconnus. De plus, les effets des médicaments co-administrés tels que la carbidopa, sur le métabolisme intestinal de la L-dopa dans l’intestin n’étaient également pas clairs.

La bactérie responsable enfin identifiée

Pour en savoir plus, les chercheurs ont recherché dans l’ADN des bactéries intestinales des gènes codant pour une enzyme (protéine réalisant une réaction chimique) similaire à celle qui, dans le cerveau, transforme la L-dopa en dopamine. Ils identifient alors la bactérie la plus active, Enterococcus faecalis.

Mais comment l’enzyme d’E. Faecalis échappe-t-elle au carbidopa, supposé inhiber précisément son action ? Les chercheurs constatent alors que bien qu’elles effectuent exactement la même réaction chimique, les enzymes humaine et bactérienne sont légèrement différentes. Assez différentes pour empêcher le carbidopa d’agir, d’après Maini Rekdal.

Une nouvelle molécule 1.000 fois plus efficace que le carbidopa

Mais les scientifiques ne s’arrêtent pas là : connaissant la cible, ils ont découvert une molécule capable d’inhiber l’enzyme bactérienne, l’AFMT. “La molécule désactive ce métabolisme bactérien indésirable sans tuer la bactérie et ne fait que cibler une enzyme non essentielle“, commente Maini Rekdal. Comparé à la carbidopa, l’AFMT a montré une efficacité 1.000 fois plus importante sur des E. faecalis cultivés en laboratoire, sans affecter leur croissance. Ces composés et des produits similaires pourraient constituer un point de départ pour la mise au point de nouveaux médicaments destinés à améliorer le traitement à la L-dopa chez les patients atteints de Parkinson.

Quant aux causes des effets indésirables de cette métabolisation de la L-dopa dans les intestins, les chercheurs soupçonnent la deuxième étape du métabolisme bactérien de la L-dopa. En effet, après qu’E. faecalis a converti le médicament en dopamine, un deuxième organisme appelé Eggerthella lenta convertit la dopamine en un autre composé, la méta-tyramine. Si d’autres recherches devront le confirmer, les chercheurs soupçonnent cette méta-tyramine d’être à nouveau transformée en un sous-produit impliqué dans les effets secondaires nocifs de la L-dopa.

Mais cette interférence microbienne ne se limite pas à la L-dopa et à la maladie de Parkinson. Cette étude pourrait ouvrir la porte à d’autres travaux explorant les possibilités de notre microbiote et leurs conséquences sur notre santé, en bien comme en mal.

Source: www.sciencesetavenir.fr / par Camille Gaubert

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