LA MALADIE,  LA RECHERCHE

Pourquoi ne comprenons nous toujours pas mieux la maladie de Parkinson, alors que la recherche est intense ?

Un travail sortant des chemins battus et intitulé « The Evolution Driven Signature of Parkinson’s disease » vient d’être publié dans la revue scientifique réputée « Trends in Neuroscience ». Sous la direction du Pr Diederich, neurologue au CHL, ce travail s’est penché sur l’impact de l’évolution dans la genèse de la MP. Il conclut de façon provocatrice que, dû à l’évolution du cerveau humain, la maladie de Parkinson (MP) pourrait être une maladie exclusivement humaine. Il est évident qu’une telle conclusion surprenante soulève de nombreuses questions et incite déjà dorénavant à une coopération entre disciplines scientifiques très disparates et jusqu’à présent peu interactives. Mais comment arriver à une telle conclusion tout au moins inattendue ? 

La MP est une maladie neurodégénérative causée par la réduction fonctionnelle et la dégénérescence de diverses régions du cerveau. Il s’agit principalement d’aires cérébrales profondes, en particulier les ganglions de la base ou encore divers noyaux du tronc cérébral. Les conséquences sont multiples : dysfonctionnement de l’appareil locomoteur, apathie et dépression, dérégulation de la tension artérielle, symptômes intestinaux, etc… Afin de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents, la recherche se sert de modèles animaux qui sont l’outil de prédilection pour la recherche moderne. Cependant, il a été décevant de constater que ces modèles ne peuvent imiter que certains symptômes de la MP, mais non pas sa complexité toute entière. En outre, il est difficile d’imiter conjointement le vieillissement humain. De plus, on constate que contrairement au cancer et aux maladies cardiovasculaires, la MP ne se manifeste jamais durant la vie naturelle des mammifères, y compris les primates, nos cousins génétiquement les plus proches. 

Est-ce que la MP est donc une maladie exclusivement humaine et pourquoi en est-il ainsi ? 

Nico Diederich a constitué un groupe de travail international de chercheurs de différentes disciplines. Ils ont analysé, comparé et assemblé de nombreux éléments allant de la phénoménologie clinique et de la pathologie, jusqu’à l’anthropologie et la biologie, respectivement la neuropsychologie comparative. Leur travail est gratuitement accessible sur le site de l’éditeur : www.sciencedirect.com

Les arguments sont complexes. La biologie cellulaire et la pathologie nous montrent que les aires à risque pour la MP délivrent en continu au néocortex la partie supérieure du cerveau la plus développée de multiples informations et des propositions de réponses automatiques toutes faites, facilitant ainsi l’interaction avec l’environnement. Or, ce néocortex humain a connu une croissance exponentielle au cours de l’évolution humaine. Les aires de support mentionnées n’ont pas connu un tel essor, alors que les demandes et exigences du néocortex humain se sont multipliées. Comment faire pour satisfaire cette demande ? On note que, par exemple, la densité des synapses et le degré de ramification axonale de ces neurones sont considérablement plus élevés chez l’homme que chez les mammifères. Il s’ensuit que les besoins énergétiques, notamment dans le domaine des synapses sont devenus exponentiels chez l’homme. Les mitochondries, en tant que fournisseurs d’énergie cellulaire, y parviennent, tant bien que mal, et grâce à quelques astuces. Or, la vie humaine est très longue et ces neurones doivent travailler en continu. Le moment de la dégénérescence terminale de ces cellules travailleuses peut donc se produire à tout moment. Les facteurs génétiques et diverses influences épigénétiques y contribuent aussi, chez certains d’entre nous plus, chez d’autres moins, parfois plus tôt, parfois plus tard. 

L’analyse critique des symptômes cliniques confirme le dysfonctionnement sévère des aires affectées par la MP au niveau des ganglions de la base et du tronc cérébral. En particulier, les modèles de réactions automatisés que ces structures fournissent au néocortex font défaut. Ainsi, la marche n’est plus un processus automatique et « irréfléchi », mais fait l’objet d’une prise de conscience. Des informations visuelles de base dans le champ de vision latéral, suggestives de mouvement et donc de danger latent, ne sont plus disponibles ou sont mal interprétées. Les processus automatiques du système nerveux autonome s’embrouillent, la pression artérielle devient trop élevée la nuit et trop basse le jour. L’expression faciale émotionnelle du vis-à-vis n’est plus saisie immédiatement et le langage corporel du patient s’appauvrit également. Enfin, les patients atteints de MP peuvent devenir dépourvus d’instinct et d’intuition, toute action et réaction faisant alors l’objet d’une réflexion, est exécutée avec effort, de manière posée. 

Bien sûr, une telle hypothèse ne peut pas expliquer tout symptôme et chaque pièce du puzzle de la MP. De nombreux signes se manifestent en compensation aux premiers symptômes ou affectent secondairement d’autres aires non sensibles à la MP. Nico Diederich et ses co-auteurs de l’Université de Tokyo, de l’Institut Karolinska de Stockholm et de la Rush University à Chicago sont toutefois convaincus que le concept soulèvera de nouvelles questions épineuses et facilitera le dialogue des disciplines cliniques avec les branches de l’anthropologie et de l’évolution. 

La MP est-elle alors un syndrome à part dans le domaine des maladies neurologiques et psychiatriques ? Non, elle ne l’est pas. Récemment, la maladie d’Alzheimer, la schizophrénie, l’autisme, etc… ont également été abordés en tant que maladies purement humaines et potentiellement par l’évolution -aussi génétique- de l’homme. 

Source: www.chl.lu / Edité par Nadine Kohner

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