LA MALADIE

Et si Parkinson naissait dans l’appendice ?

Les agrégats toxiques que l’on retrouve dans les neurones malades pourraient remonter par le nerf vague du côlon jusqu’au cerveau. Cet article est extrait du n°863 du magazine Sciences et Avenir, daté janvier 2019.

L’ablation de l’appendice protégerait de l’apparition de la maladie de Parkinson… En effet, sans cet organe, le risque de contracter cette maladie du cerveau qui provoque la destruction des neurones est nettement réduit. Il serait ainsi plus faible de 20 % chez les personnes opérées. Un chiffre qui monte même à 25 % pour les personnes vivant en zone rurale, selon l’étude épidémiologique, la plus vaste conduite sur le sujet, réalisée par Bryan Killinger, du Van Andel Research Institute à Grand Rapids (États-Unis), et une équipe internationale, comprenant une chercheuse française, Nolwen Rey, de l’Institut de neurosciences Paris-Saclay (Essonne). En outre, la maladie apparaît plus tard chez les personnes opérées.

Une étude portant sur 1,7 million de patients !

Pour obtenir ce résultat surprenant, les scientifiques – qui avaient déjà des soupçons concernant cette petite excroissance située au début du côlon – ont examiné le registre de santé portant sur près de 1,7 million de Suédois durant une période… de cinquante-deux ans. ” Ce travail confirme que la maladie de Parkinson pourrait parfois avoir une origine intestinale et être associée à une cause environnementale, par le biais, par exemple, de pesticides ou de bactéries “, explique Michel Neunlist, spécialiste du système nerveux entérique à l’Inserm (Nantes). Le lien entre intestins et maladie de Parkinson n’est pas nouveau : il est apparu il y a une quinzaine d’années. L’indice : des problèmes digestifs précèdent souvent de plusieurs années les tremblements et la rigidité musculaires qui signent la maladie. Mais ce n’est pas tout. Les agrégats toxiques de la protéine dite alpha-synucléine que l’on retrouve dans les neurones malades apparaissent d’abord dans le nerf vague qui innerve le tube digestif ; ils pourraient remonter ensuite jusqu’au cerveau par l’intermédiaire de ce nerf, le plus long du corps humain. La preuve a été faite chez le rat en 2014 : il est possible d’induire la maladie en inoculant ces agrégats dans la paroi intestinale. Mieux : chez les patients atteints d’ulcère et dont le nerf vague a été sectionné pour réduire l’acidité gastrique, le risque de déclarer maladie semble aussi réduit.

L’appendice (en orange) est un réservoir pour la protéine alpha-synucléine (vue au microscope, en rouge). Sous sa forme anormale, celle-ci joue un rôle dans la maladie de Parkinson.
SPL / PHANIE – VAN ANDEL RESEARCH INSTITUTE

Une prédisposition génétique à l’inflammation

« La maladie de Parkinson, comme celle d’Alzheimer ou les maladies à prions, paraît provoquée par une protéine qui revêt une forme pathogène lors d’une inflammation », précise Michel Neunlist. Or une telle inflammation semble se produire plus facilement dans l’appendice, où se concentrent des cellules du système immunitaire chargées de contrôler les bactéries du microbiote intestinal. Les chercheurs ont d’ailleurs retrouvé davantage d’agrégats d’alphasynucléine dans l’appendice des patients malades que dans celui de personnes saines. Pourquoi ces agrégats toxiques deviennent-ils pathogènes chez certaines personnes et pas chez d’autres ? La première piste semble génétique. Ce terrain prédisposant à l’inflammation se retrouve aussi pour la rectocolite hémorragique, une maladie du côlon elle aussi moins fréquente chez les personnes opérées d’une appendicite.

Article publié sur: www.sciencesetavenir.fr

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